Interview

Interview complète de Olivier Mohand-Chérif

J’aimerais savoir d’où tu viens, quelle région ? Et, SI OUI, as-tu un background artistique ? (Une petite bio , quoi. )

 

Je suis né à Bordeaux en 19… ahem… au XXème siècle donc, et j’y vis encore ( Heu… à Bordeaux, pas au XXème siècle, hein). Je n’ai malheureusement aucun background dit “artistique” en ma faveur si ce n’est une assez bonne connaissance du cinéma qui est ma passion depuis tout petit. Mon premier film au cinoche fut Zorro de Duccio Tessari avec Alain Delon (d’où peut-être le goût du masque, qui sait ? 😉 ) puis plus tard, j’ai vu  2 fois, à une semaine d’intervalle 20 000 lieux sous les mers et je me suis posé pour la première fois des questions sur les gens qui faisaient des films.

Sinon, j’ai fait des études de droit et, après avoir tenté 2 fois le concours de la fémis (Identification d’une femme d’Antonioni  puis l’impératrice rouge de Von sternberg pour ceux qui l’auraient tenté en même temps que moi ;)) je suis maintenant dans l’enseignement.

 

Depuis combien de temps  te consacres-tu à ta passion, et quel est le déclencheur de tout ça ?

 

J’ai commencé à tourner des petits films vers l’âge de 20 ans, à une époque où avoir une caméra vidéo était un luxe et où le montage virtuel n’était qu’une chimère. Ainsi, pour vous faire une idée, à  l’époque, il fallait faire le montage directement sur la cassette vidéo finale par enregistrements successifs des plans qui nous intéressaient en calculant le nombre d’images de retour des têtes de lecture du magnétoscope (vous savez, le truc qu’il y avait avant les dvd). C’était l’époque héroïque.

Alors, au début, on tournait beaucoup de poursuites et on s’était donc attribué fièrement le nom tonitruant de “the pursuivants“, puis après le départ de certaines personnes, nous sommes devenus “The Anything Goes Boys“. Finalement, resté seul en course, je me suis mis à faire mes petits films sous la bannière “Ten Bucks Production presents” à savoir “une production à 10 balles présente”.

Parmi tous les films, fausses pub et parodie que nous avons pondu en 10 ans, il y a eu une version des Chevaliers du Zodiak assez gratinée, un remake-pastiche de New York 1997 intitulé Libourne 1997 qui a inspiré Karl Zéro pour un de ses sketches et puis des tonnes d’autres vidéos (que je mettrai prochainement sur internet comme “J’me sens pas bien“, “Escape from LAB” (une comédie avec 2 persos Snake et Léon qui ne sont pas sans rappeler les Dissuaders) et des films inachevés malheureusement : Death comes from Hydra (inspiré des 39 marches d’Alfred Hitchcock et dont certaines scènes ont été tournées en Grèce), Le cri de la mouche (une grosse aventure de Snake et Léon confrontés aux héros des Avengers appelés pour l’occasion The Bvengers (sic) )

 

Tes influences majeures ( films, séries , acteurs, réals , … ) pour tes projets ?

 

Elles sont probablement anglaises et proviennent principalement des séries télés : The avengers, the saint, The persuaders, Danger man, The prisonner, The Monty Python flying circus. Il y avait dans ces séries une vraie folie et une vraie inventivité du fait parfois de budgets rikiki. Des idées de réalisation et de montages incroyables. Encore aujourd’hui, elles sont sources d’inspiration pour moi. D’ailleurs, j’adore également tous les films dits du “swinging london” qui peuvent peut-être pour beaucoup paraître complètement datés : je citerai pour le plaisir Arabesque de Stanley Donen ou bien Casino Royale avec un Woody Allen voulant éliminer tous les hommes de plus d’1m 60. Sinon, je vous rassure je ne suis pas resté bloqué à cette époque car, par exemple, mon réalisateur fétiche est John Carpenter dont je peux revoir à tout moment New York 1997. Plus tard, sont venus le rejoindre dans mon panthéon personnel Verhoeven (la chair et le sang, starship troopers), Spielberg (mort après le temple maudit qui fut pour moi une claque cinématographique), Mc Tiernan (Predator, Die Hard, le 13ème guerrier) auquel évidemment, je rajoute les anciens : Ford, Welles, Lang, Hitchcock, Aldrich et beaucoup d’autres encore.

 

– Peux-tu nous parler de la naissance des Dissuaders ?


En ce qui concerne The Dissuaders, je dois tout d’abord préciser que j’ai une grosse… Ahem… culture comics ayant passé ma jeunesse dans les pages de Strange, Spécial Strange, Titans, Nova et autres Spidey, mais ce qui m’a décidé à écrire ces personnages, c’est peut-être la lecture de The Watchmen d’Alan Moore combinée à la vision quasi concomitante de The Mystery Men.

Dans le projet original, il y avait une équipe entière de super héros : Google, le Dandy, L’anguille, la Brindille et Le Docteur Personne (dont la création première est clairement un décalque de Mister Furious, personnage que j’adore). L’idée était de les confronter à des super vilains qui en fait luttaient contre l’ordre établi. C’était un peu comme si Super Dupond luttait contre la résistance pour sauver le régime de Vichy. Lol. L’idée n’a pas totalement disparu mais est très dure à mettre en place dans des scénarii courts où le nouveau concept suite aux départs des 3 premiers super héros, vu le budget (zéro) et le nombre de personnes impliquées (très peu), est de ne faire que des “non aventures”. C’est-à-dire que l’on ne voit les 2 héros qu’avant ou après qu’il se soit passé quelque chose.

Il existe déjà plusieurs scripts dont certains repoussent ces limitations et vont me forcer à trouver de nouveaux moyens de faire mes films. Le prochain projet des Dissuaders intitulé Satellite est une grosse aventure qui prend le parti pris opposé de celui des épisodes déjà en ligne (Soap, The others et Robbery).

 

 – Et ton personnage de Doc.Personne ? Y a t’il une idée ” autre ” derrière le personnage de Doc Personne , qui ne serait pas seulement du pur divertissement ?

 

J’ai toujours aimé les personnages amnésiques ou du moins mystérieux sur leur passé (Wolverine ou Remington Steele)

Pour ce qui est de la personnalité du  Docteur Personne, c’est moi mais en mode mineur. Ma personnalité est en fait un mix réel entre Brett Sinclair et Danny Wilde les héros d’Amicalement votre (The Persuaders en anglais, tiens, ça vous rappelle quelque chose ?). Je tiens à préciser que ce n’est pas de la forfanterie. J’ai passé ma jeunesse devant cette série : je suis un peu le fils illégitime de Brett et Danny, tant leurs personnalités ont eu une grande influence sur la mienne. Je hausse le sourcil comme personne (tiens donc) et mettez-moi des gants en cuir et je peux débarquer chez vous comme une tornade. LOL. Pour en revenir au personnage du Doc, on pourrait dire qu’il s’agit d’un mix entre mon “Danny/Brett” personnel et Jacques Chirac (version guignol) dont j’adore la mauvaise foi assumée.

 

Avec les Dissuaders, je vise évidemment le divertissement mais si au détour d’une réplique, il peut y avoir une critique sociale ou mineure de nos petits travers, pourquoi pas. Je reconnais qu’il est très difficile d’écrire ce type d’humour qui est basé pour la plupart du temps sur le non sens et l’absurde lié aux situations et aux dialogues. C’est un humour qui est pour moi plus facile à faire et vivre en direct plutôt qu’à inventer seul face à ma page blanche. D’ailleurs, pour le prochain épisode, j’ai décidé d’aller sur les lieux repérés pour savoir exactement ce que pourraient se dire les personnages.

 

 

Comment élabores-tu tes films ? Budgets, implication des personnes recrutées, est-ce si difficiles de les faire naitre ?

 

Argh… La question qui fâche. Lol. Le budget de mes films est de… Zéro. D’où le nom de ma “boîte de prod” (ten bucks prod). Mes films sont donc élaborés “à l’envers” pour la plupart. Je pars de ce qui est possible et j’écris. C’est en effet très souvent le lieu qui m’inspire et me donne envie d’écrire une histoire. J’ai écrit d’autres histoires sans partir du lieu mais force est de constater que je ne les ai toujours pas tournées du fait de l’impossibilité logistique de trouver les lieux nécessaires à leur réalisation. Avec un lieu, j’imagine l’histoire que je pourrais y raconter et je me mets à l’écriture. En 1999, je voulais réaliser le début de l’épisode 7 de starwars (Empire’s Rebirth, trouvable sur le net) mais comment faire science fiction ? J’ai pensé aux dunes et à des grottes près de St Emilion et je me suis mis à écrire avec ces 2 lieux en tête.

 

Ensuite, vient se poser la question des acteurs. Là aussi, j’essaye de ne pas partir dans des projets pharaoniques avec des tonnes d’acteurs. Mais bon avec le temps je connais maintenant 2-3 comédiens professionnels qui eux même connaissent d’autres comédiens etc. Cela dit, j’ai tourné il y a quelques années Book of the dead, un moyen métrage (d’une durée de près d’1h) avec des tonnes d’acteurs à gérer sur une nuit de tournage (un gros stress). Le film est encore sur mes disque durs car du fait de l’évolution des techniques il faudrait que je procède à nouveau à la numérisation de tous les plans et que je refasse tout le montage mais je n’en ai pour l’instant pas le courage.

 

Le problème de l’argent est, on le voit, crucial dans ce genre de production car tous ceux qui s’y sont frottés se sont un jour ou l’autre retrouvés avec la problématique suivante : comment motiver sur plusieurs jours, plusieurs mois voire même plusieurs années (book of the dead) des gens dont ce n’est pas le métier et qui font l’acteur uniquement pour nos beaux yeux ?  Comment trouver des lieux appropriés à nos besoins, des véhicules, etc. C’est très difficile.

 

Très récemment, j’ai donc décidé avec un ami de monter une association (au doux nom de ten bucks, évidemment) qui permettra, je l’espère, de réduire ces difficultés. Elle me servira à faire l’interface avec des administrations pour obtenir des services comme des autorisations de tournage voire même des subventions mais aussi à entrer en contact avec d’autres assos ou troupes de théâtre pour mettre en place des projets plus ambitieux. Je ne sais pas si ça va marcher mais bon je vais essayer.

 

 

– T’impliques-tu chez d’autres personnes ? Bon là je sais que oui , Starguts par exemple …

 

Oui oui, j’adore travailler en collaboration. D’ailleurs j’ai toujours ce rêve un peu utopique que si on se filait tous un coup de main on ferait plus de chose. C’est du moins comme ça que je vois les choses. J’ai récemment aidé des amis à réaliser et écrire un hommage pastiche à la série stargate sg-1 (nous sommes en post-production et le titre est Starguts : the Kawoosh Protocol ; site : http://starguts.free.fr) : il devrait plaire à tous ceux qui ont apprécié les dissuaders. Et je donne un coup de main à Antonio Maria Da Silva (AMDS pour les internautes) spécialiste mondialement reconnu du mash-up qui se lance désormais dans la réalisation à part entière avec un nouveau moyen métrage intitulé Dilemme.

 

– Enlèves-tu ton masque pour manger ?

 

Non seulement pour dormir. Sinon ça me fait des marques horribles au réveil.

 

– Et tes futurs projets, quels sont-ils ?

 

Comme dit plus haut je suis en phase de préparation pour le tournage de Satellite (tests d’effets spéciaux, écriture de dialogues, repérages) mais rien ne dit que je ne tournerai pas un autre “petit” film d’ici là ;). J’ai toujours dans mes cartons un clip pour un groupe bordelais Poisson lune ( http://www.myspace.com/poissonlune) qui devrait passer prochainement à la Locomotive à Paris et j’ai le montage son de Last Friday à finaliser, un tout petit court tourné pendant mes vacances.

 

Interview réalisée par Stéphane Vereecken pour le webmag OQP